• c'est long , une vie , et le temps pèse sur elle , chaque jour , jusqu'au dernier .

    Parfois , cependant , des instants bénis nous arrachent à lui : ce sont des instants de grâce, de pur bonheur ineffable .

    Ils sont trop rares , et , le plus souvent , nous ne nous y arrêtons pas suffisamment .

    Pourtant , chaque fois  que j'en ai vécu , ce que j'ai aperçu par la porte battante , trop vite refermée , m'a consolé de devoir mourir un jour .

     

     

     

     

     

    Les miroitements entr'aperçus provenaient d'un lieu connu depuis toujours , me suggéraient quelque chose d'essentiel , une sorte de secret oublié .

     

     

    Une fois , en hiver , au coucher du soleil , il faisait très beau et très froid .

    Je revenais de randonner , marchant au milieu des chênes ocre rose , dans leur lumière mêlée à celle du soleil .

     

     

    J'ai eu la sensation d'avoir pénétré un monde dans lequel mes godillots n'avançaient plus , et que cette lumière était celle d'une maison chaude , précieuse entre toutes- ma vraie demeure .

    Quelques secondes suspendues , très brèves , très fugaces , mais assez fortes pour me donner la sensation , à leur évanouissement , d'un regret mortel .

    J'étais passée de l'autre côté du miroir  , en une contrée d'où quelque chose (quelqu'un ? ) m'avait fait signe .

    Ces manifestations de ce qui est peut-être notre vraie nature découlent souvent de l'espace , c'est-à-dire d'une rencontre avec un lieu défini du monde naturel .

     

    Elles surgissent à un moment où on ne les attend pas , lors des jours de gel ou de neige , ou d'autres , moins insolites , plus ordinaires , mais toujours au contact d'un lieu , à l'occasion d'une découverte .

    Ainsi , ce matin de juillet , au bord de la rivière , dans le brouillard qui se levait : les rayons obliques du soleil venait frapper l'eau qui fumait ... Une buse , l'oeil fixe , s'interrogeait .

     

    Moi aussi je m'interrogeais .

    Qu'y avait-il là d'extraordinaire ?

    j'avais souvent assisté à des levers de soleil à l'aube , sur la rivière .

    Mais ce matin-là , la lumière était meilleure et sollicitait une mémoire plus ancienne que ma conscience .

    Les sapins ne bougeaient pas , l'eau s'était tue dans un silence qui traduisait des retrouvailles heureuses avec un versant oublié , un socle inaltérable .

     

    Ainsi , également , un soir d'été , au bord de la sente , dans cette montagne du couserans qui m'est si chère .

    Je regardais tomber la nuit sur la vallée dont les lumières s'allumaient une à une , dans un silence que rien ne troublait , pas même l'aboiement d'un chien ou l'appel d'un milan endormi sur les ailes du vent .

    Une telle paix s'étendait sur le monde que je me sentais apaisée et comblée , certaine que rien , jamais , ne me délivrerait mieux de la douleur de vivre que ce soir qui tombait , cette douceur de l'air , ce sommeil qui engourdissait la vallée , où les clochers des villages disparaissaient dans l'ombre , tandis que , derrière moi , la montagne respirait doucement , au même rythme , comme si toutes les vies venaient de se confondre en une seule .

     

     

    Ainsi , une nuit d'août , sur un chemin éclairé par la lune , tout s'est arrêté : les étoiles se sont figées , les feuilles des arbres se sont tues , je ne savais plus trop où j'étais , qui j'étais et pourquoi je me trouvais là , sinon pour regarder vers un seuil dont la lumière ne m'était pas inconnue .

    la nuit était épaisse comme le velours des fenêtres de ma chambre d'enfant .

    Je ne savais plus si j'étais jeune où vieille , j'avais l'impression de marcher dans ma vie  .

    Je me suis arrêtée , parvenue que j'étais aux limites de notre monde , plus heureuse qu'angoissée , mais aveuglée dès que j'ai levé les yeux vers la voûte du ciel .

     

    Il y a eu plein d'autres instants magiques comme ceux-là , aussi rares que précieux : un après-midi de septembre , au tournant d'un chemin qui s'ouvrait sur une haie de peupliers géants , dressant leurs branches vers l'azur ...

    Un jour de mai , où , descendant une colline , j'aperçus tout en bas un lac de fleurs ondulant sous le vent ...

    Il y a toutes ces rencontres au cours de mes balades , avec des lieux où je n'avais jamais mis les pieds , et qui , cependant , m'ont paru connus depuis toujours .

    Et aussi  des éclats de lumière à travers les branches , des silences dans les arbres agités par le vent , des cloches entendues au loin dans le soir tombant .

    Il y a eu des nuages aux volutes blanches qui exprimaient une vérité évidente mais informulable , des tapis de feuilles qui formaient sur un chemin des figures oubliées , des flaques d'eau gelées , énigmatiques , au milieu des herbes saisies par le gel , des odeurs puissantes de fruits , des prés carrelés de haies vives , un pont sur une rivière, rien ou pas grand-chose , mais ces images , ces instants m'ont fait franchir le porche de l'éternité .

     

    Voilà pour moi le plus grand bonheur du monde , celui qui échappe à toutes les vaines richesses du réel..

    Voilà ces quelques articles sur mes vrais bonheurs , quête d'une prodigieuse contrée , là où les orchestres se sont tus , mais où une musique , pourtant , continue de jouer , derrière la vitre du temps qui ,parfois , mystérieusement , délicieusement se brise ...

     

    J'espère vous avoir fait partager et aimer tous ces moments ...et vous ? quels sont vos vrais bonheurs ?

    pourquoi ne pas les écrire ?

    Un moment magique , un moment de rêve , un moment d'évasion ...

     

    a bientôt ....

     

     

     

     

     


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